9 – Une cyclonue bienvenue

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Précédemment…

Les vélos des enfants étaient appuyés à côté de la porte d’entrée. Guillaume, suivi par Matthieu et Agnès, alla chercher sa boite à outils dans l’atelier.

— Papa, c’est vrai qu’on va pouvoir faire du vélo tout nu dans le village, demande Agnès ?

— Peut-être, lui répondit Guillaume.

— Mais maman nous a dit qu’on allait pouvoir.

— Samedi prochain oui. On va tous y aller pour la manifestation.

— C’est quoi une manifestation, Papa ?

Tout en révisant les vélos des enfants, Guillaume leur expliqua ce qu’était une manifestation et ce qu’était la cyclonue qui allait avoir lieu le week-end suivant. Avec le soutien de la fédération, de diverses associations écologistes et naturistes, la mairie avait décidé d’organiser une cyclonue autour et dans la commune qui devait se terminer sur la place du village par un moment convivial et naturiste.

Le conseil municipal avait été réticent lors de la suggestion portée par Guillaume. Il avait fait preuve de pédagogie, avait expliqué le soutien que leur apportait la fédération française de naturisme et donné des exemples de telles manifestations survenues dans d’autres villes françaises et étrangères.

Babette, ainsi que quelques conseillers qui lui étaient restés proches, avaient voté contre et tenté de faire annuler la manifestation en appelant le préfet, mais la majorité avait voté pour. C’était une petite victoire pour Guillaume, mais symbolique, car la première qui permettrait d’expliquer et de faire comprendre le naturisme aux Rivaines et aux Rivains. Si la nudité n’était pas obligatoire, elle serait encouragée.

Un comité d’organisation présidé par Anne avait été mis sur pied. Ses talents d’organisatrice faisaient merveille. En quelques jours, elle avait réussi à confirmer un stand de peinture corporel, la participation de diverses associations naturistes régionales, celle d’associations écologistes, divers stands de dégustation de produits locaux bios et même le prêt de dizaines de vélos électriques par une marque locale qui utilisait l’événement comme un moyen marketing d’en faire la promotion.

Une semaine avant la manifestation tout semblait prêt pour en faire une belle fête populaire. Tous les loueurs de gites et de locations saisonnières aux alentours étaient pleins pour le week-end. Les retombées économiques semblaient assurées. Les organisateurs attendaient entre cent cinquante et deux cents personnes. Le communiqué de presse avait circulé dans de nombreuses rédactions et la presse régionale et nationale serait présente. De quoi assurer de belles retombées médiatiques.

Anne était partie en avance, laissant Guillaume préparer les enfants. Elle était sur le pied de guerre depuis plusieurs jours maintenant, mais ce samedi était le grand jour. Dès huit heures, elle était sur la place avec Marie et quelques bénévoles pour assurer la décoration et le positionnement des différents stands. La plupart des exposants étaient là et installaient leurs échoppes. Si Marie avait noué un paréo autour de sa poitrine, Anne et quelques autres membres du comité organisateur étaient déjà nues. Si leur manque de tenue faisait sourire certains, aucune réflexion déplacée ne se faisait pour le moment entendre.

Un camion de la télévision arriva et installa un studio mobile. La journaliste alla se présenter à Anne.

— Bonjour, je suis Aude, dit la jeune femme en tendant la main. Vous devez être Anne ?

— Bonjour, Aude, oui, je suis bien Anne.

— Je vois que vous êtes déjà en tenue, dit-elle avec un sourire.

— C’est une manifestation naturiste pendant laquelle la nudité simple et sociale est encouragée, il est donc normal que je montre l’exemple. Je peux vous aider à quelque chose, car j’ai encore du travail ?

— Je voulais juste savoir quand je pourrai vous interviewer avant que tout commence ?

— Vous voulez le faire quand ?

— Quand vous avez un moment.

— Vous me donnez cinq minutes que je m’organise et je vous retrouve ici ?

— Parfait, je prépare mon caméraman et on vous attend.

L’interview se déroula au mieux. Anne avait proposé à Aude de se dénuder, mais cette dernière n’avait pas voulu. Elle n’était pas naturiste lui avait-elle dit et elle ne pensait pas que la chaine accepterait qu’elle fasse l’interview nu. Mais elle y réfléchirait pour une prochaine, s’il y en avait une. Anne lui dit qu’il y en aurait d’autres, elle en était certaine.

Puis Aude indiqua à Anne qu’ils feraient sans doute quelques images de la manifestation. Anne leur dit que cela était possible à condition d’obtenir le consentement des personnes filmées, ce que Aude confirma. Puis Anne retourna à ses occupations et partit accueillir le peloton de gendarmerie qui assurait la sécurité du cortège.

Le moins que l’on puisse dire est que si l’ambiance semblait festive, les organisateurs avaient tout prévu pour que la fête soit belle. Le temps était de la partie avec un ciel bleu et un beau soleil. Anne vit Mélanie arriver de loin. Elle alla à sa rencontre et l’aiguilla vers Aude. Elle fit de même avec les les présidents d’associations qu’elle connaissait. À 11 heures, heure prévu pour le départ du cortège, Marie avait compté plus de quatre cents vélos et il en arrivait encore. Un succès incroyable pour ce petit village.

Guillaume qui avait rejoint Anne avec Matthieu et Agnès se saisit d’un porte voix et fit se regrouper les cyclistes. Il y avait de tout dans le cortège, des personnes nues, des personnes peintes, des personnes déguisées, des tandems, des trottinettes électriques, quelques draisiennes et même un grand bi. Exactement le genre d’ambiance espérée par Anne et Guillaume. Mais le plus beau était qu’une grande partie des conseillers municipaux étaient présents, ainsi que de nombreux villageois. Certains étaient venus en curieux, en spectateurs, et d’autres en participants. Certains étaient nus, d’autres en tenue légère. Pour Guillaume, leur présence le réconfortait, le rassurait sur la suite.

Guillaume partit alors, Simon à côté de lui et sa petite famille dans leurs roues. Ils quittèrent la place du village pour un tour d’une dizaine de kilomètres à travers la campagne environnante et les rues du village. Lors du tracé du parcours, il avait été attentif aux côtes, aux autres villages et à la qualité des routes. Il n’avait choisi que de petites départementales que les gendarmes avaient partiellement fermées à la circulation.

Le cortège s’étalait sur presque un kilomètre. Une des organisatrices s’était postée avec ses enfants le long de la route et comptait les participants. Quand le dernier passa devant elle, suivi par un motard, elle avait compté six cent trente-deux personnes. Elle avait sauté de joie et pris ses enfants dans ses bras. C’était un immense succès pour Anne et Guillaume !

À mi-chemin, Guillaume remarqua le Range Rover de Babette garé dans un petit chemin. Elle et son père étaient dans la climatisation de l’habitacle et regardèrent Guillaume passer avec un air de défi dans le regard. Si les Bonnet avaient boycotté l’événement, il n’allait sans doute pas se laisser faire, se dit Guillaume, mais pour le moment, le plus important était de profiter de l’instant et de capitaliser sur ce qui s’annonçait une belle journée.

En passant dans les rues du village, de nombreux habitants étaient sortis sur leur pas de porte ou ouvert leurs fenêtres pour regarder monsieur le maire passer à vélo « à poil ». Il faut dire que ce n’était pas tous les jours qu’on voyait un maire pédaler nu dans les rues de son village.

Si la vision de ces centaines de cyclistes dans leur plus simple appareil faisait sourire la plupart des spectateurs, quelques-uns trouvaient l’initiative « dégoutante ». À quelques pas de la place du village, quelques bannières avaient été déployées et un petit groupe de personnes s’étaient rassemblées pour dénoncer la perversion, l’exhibition et le manque d’éducation. Guillaume y remarqua deux conseillers municipaux soutiens de Babette et quelques militants catholiques. Il se sentit envahi d’une forme de sérénité à l’idée que peut-être, peut-être, la résistance qu’il redoutait n’aurait pas lieu. Il sourit et fit un signe de la main amical aux antis en passant devant.

Quand il arriva sur la place du village et mit pied à terre, il fut littéralement assailli par un groupe de journalistes munis de micros, d’appareils photo et de caméras. Heureusement, Gilles, le responsable communication de la fédération l’avait prévenu et briefé sur les messages à passer et l’attitude à avoir.

Il répondit avec bienveillance aux questions et se prêta à une séance photo avec Anne et Mélanie. Pendant ce temps, l’ensemble du cortège était arrivé et une joyeuse foule se pressait entre dégustations des produits locaux, peinture corporelle, parties de pétanques et discussions animées. On pouvait voir des naturistes, des textiles, des enfants nus qui couraient partout ou qui jouaient à chat avec d’autres enfants textiles. Bref, une jolie pagaille mélangée sans que personne ne semble se poser de question sur la nudité de la majorité de présents.

— Pari gagné Guillaume, dit Mélanie alors que la séance photo se terminait.

— Il semblerait que oui, répondit Guillaume. Grâce à vous !

— C’est un travail d’équipe et vous en êtes à l’initiative. Espérons que cela puisse donner des idées à d’autres communes ou groupes associatifs. Nous avons besoin de dizaines, de centaines, de milliers de Guillaume.

— Pour le moment, nous avons juste besoin de nous appuyer sur cette belle ferveur pour continuer à faire avancer le projet. Et nous avons besoin de vous.

— Vous pouvez compter sur nous. Nous serons là à vos côtés.

— Merci, Mélanie, dit Anne en embrassant la présidente et en la serrant dans ses bras.

La journée se termina doucement. Les participants partaient lentement. Certains s’étaient rhabillés, d’autres étaient repartis nus à vélo, Guillaume avait raccompagné les enfants à la ferme pendant qu’Anne s’assurait que la place retrouvait son calme et sa propreté, avec les membres de son comité d’organisation et Mélanie qui était restée donner un coup de main.

Une fois le dernier stand démonté, elles s’assirent à la terrasse du café de la place pour fêter cette belle journée. Patrick, le patron, sortit prendre leur commande tout sourire. Il faut dire qu’il avait fait sa plus grosse journée depuis des années. Avec le retour du cortège, il n’avait pas désempli. Il offrit une bouteille de rosé, la tournée du patron, dit-il, à cet aréopage de femmes nues à la terrasse de son café.

— Alors, heureuse madame Pétrie ?

— Heureuse Patrick. Toi aussi ?

— On ne peut pas être plus ravi, Anne. Vous allez continuer ce truc de nudistes ?

— Ce truc de nudistes comme tu dis, c’est du naturisme, une manière vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par la pratique de la nudité en commun, et qui a pour conséquence de favoriser le respect de soi-même, le respect des autres et de l’environnement. C’est la définition officielle. Pourquoi tu poses cette question ?

— J’entends dire que Guillaume voudrait rendre cette pratique quotidienne à Rives. Je posais juste la question.

— Et tu en penses quoi ?

— Je m’en fiche pas mal. Tant que ça me permet de travailler, que les gens soit à poil ou habiller, ça les regarde.

— Eh bien, tu as raison. C’est une question de choix et de respect de ces choix. Il se peut qu’il continue alors, dit Anne, en maintenant une certaine dose de mystère. En attendant, merci beaucoup pour le rosé et trinquons à Rives.

Les verres tintèrent et la soirée se termina comme la journée avait commencé, dans la bonne humeur et une nudité simple et saine. Anne enfourcha son vélo et repartit avec Mélanie, doucement, en discutant comme deux amies de longues dates. L’air était léger, l’avenir souriant.

Suite…

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