29 – Le 20 heures

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Précédemment…

Mélanie et Guillaume étaient en train de se faire maquiller avant de rentrer sur le plateau du vingt heures. Anne-Claire Coudray les avait accueillis en fin d’après-midi pour faire rapidement connaissance. Le courant était immédiatement passé et la journaliste avait mis Guillaume à l’aise.

Quand TF1 avait contacté la FFN, il avait été question de passer en semaine. Mélanie avait insisté pour que ce soit une femme qui les interviewe plutôt qu’un homme. Non pas que Gilles Bouleau ait plus de parti pris qu’Anne-Claire Coudray, mais Mélanie était plus à l’aise avec les femmes. La rédaction avait donc accepté de la faire passer un samedi soir. Six millions de téléspectateurs confia Mélanie à Guillaume. C’est génial !

Guillaume n’était pas certain que ce soit si génial que ça, tant le naturisme faisait naitre des sentiments antagonistes et attirait des commentaires souvent désobligeants. Mais l’enthousiasme de Mélanie le rassurait un peu.

– Rives-sur-Bellongues. Si le nom de ce village de deux mille habitants du Gard ne vous est pas inconnu, c’est sans doute parce qu’il est devenu la capitale française du naturisme, comme vous allez le découvrir dans ce reportage signé, Laure Coudrier.

Une jeune femme vint chercher Mélanie et Guillaume pour les emmener sur le plateau alors que le reportage était retransmis. Ils avaient eu l’occasion de le voir avant le journal et l’esprit du naturisme y était, une fois n’est pas coutume, correctement retranscrit. Pas d’images ni de commentaires racoleurs, mais, le récit fidèle du festival naturiste, de ses activités et de la bonne humeur qui régnait ses deux jours.

— Nous le plaisir de recevoir Mélanie Bonnieux, la présidente de la fédération française de naturisme, et Guillaume Pétrie, le maire de Rives-sur-Bellongues, à l’origine de cet espace et de ce festival naturiste. Bonsoir à tous les deux. Monsieur le maire, racontez-nous la genèse de cet espace naturiste qui n’a pas été un long fleuve tranquille.

— Bonsoir madame Coudray. Non, ce n’a pas été un long fleuve tranquille, mais un patient travail avec le conseil municipal, les Rivaines et les Rivains et la fédération française de naturisme qui nous a soutenus pendant tous ces mois.

— Vous avez reçu des menaces, vos enfants ont même été enlevés, et vous n’avez pas abandonné ?

— J’ai voulu plusieurs fois abandonner, en particulier quand mes enfants ont été enlevés et séquestrés, mais à la fois mon épouse, Mélanie et l’association des naturistes de Rives m’ont porté et convaincu que ce projet valait la peine d’être mené au bout.

— Mélanie Bonnieux, qu’est-ce que ça vous a fait d’apprendre la création de cet espace naturiste dans ce village du Gard ?

— Vous imaginez que ça m’a fait, pas seulement à moi, mais à tous les naturistes, immensément plaisir qu’un maire ait cette volonté de promouvoir le naturisme sur sa commune. Je voulais aussi ajouter que ce n’est pas une seule zone naturiste que Guillaume Pétrie a fait créer, mais deux, ainsi qu’un lotissement, qui connait d’ailleurs un grand succès.

— Racontez-nous ça monsieur Pétrie.

— Le projet comprenait, comme la dit Mélanie, une zone principale naturiste qui recouvre une forêt et des espaces verts, une autre zone que nous avons fait classer en zone naturelle inconstructible qui va permettre la création d’un petit parc naturel de deux cents hectares avec des accès à la rivière, qui jouxte une extension d’un projet de lotissement que ma prédécesseure à la mairie avait fait voté. Nous y avons ajouté cinquante parcelles dans un lotissement non clos, mais indiqué comme étant naturiste.

— Mélanie Bonnieux, quand on pense naturisme, on pense nudité et dérive potentielle, comme le voyeurisme, l’exhibitionnisme, voire la pédophilie. N’avez-vous pas peur que cela entache la crédibilité de ces zones naturistes ?

— C’est toujours une crainte qu’ont les personnes qui ne connaissent pas la philosophie naturiste. La réalité est que ces dérives comme vous dites existent beaucoup moins dans les espaces naturistes que dans les espaces textiles. Un voyeur ou un exhibitionniste se fera repérer rapidement et soit expulser, soit remettre à sa place. Quant à la pédophilie, c’est la même chose. Maintenant, je ne vous dis pas que tous les naturistes sont des gens équilibrés. Il existe des déviants comme partout ailleurs, mais depuis les décennies d’existence du mouvement naturiste, ces déviances sont moins présentes chez les naturistes. Je pense que cela provient du fait que nous avons un rapport au corps qui est plus sain et moins sexualisé.

— Monsieur Pétrie, est-ce que vous avez d’autres projets naturistes pour votre village ?

— Non, pas pour le moment. Nous allons continuer la promotion du naturisme sur la commune. Nos habitants peuvent déjà en voir les effets bénéfiques sur la fréquentation touristique. Nous allons donc travailler avec la fédération et l’association naturiste locale pour faire en sorte que le naturisme rentre dans l’ADN de Rives et que tous puissent en découvrir les bienfaits.

— Merci beaucoup, Mélanie Bonnieux et Guillaume Pétrie, et bonne continuation à vous.

Mélanie et Guillaume quittèrent le plateau et les studios, et retrouvèrent Didier et Anne pour aller diner.

— Vous avez été géniaux, dit Didier en levant un verre à leur santé.

— Merci, Didier, répondit Mélanie. Mais c’est un travail d’équipe et sans vous, nous ne serions pas là ce soir. Surtout pas sans la volonté et la ténacité de Guillaume. Encore bravo Guillaume.

Après une bonne nuit à l’hôtel réservé par la chaine de télévision, Didier, Guillaume et Anne prirent le TGV Gare de Lyon pour retourner à Rives. Ils n’étaient pas assis depuis cinq minutes à leur place, qu’un jeune homme vint s’assoir à côté de Didier et en voyant Guillaume s’adressa à lui.

— Bonjour, vous êtes monsieur Pétrie, vous êtes passé dans le journal hier soir.

— Oui, c’est bien moi. Vous m’avez vu ?

— Oui, je me présente, Henri Bringeant, je suis le demi-frère de Babette, dit-il en tendant la main.

— Je ne savais pas que Babette avait un demi-frère, répondit-il en serrant la main qui lui était tendue. Enchanté.

— Peu de gens le savent. En fait, quand maman s’est mariée avec Émile Bonnet, j’étais déjà né. Mais, Émile n’a pas voulu me reconnaitre, bien que je l’ai toujours appelé papa jusqu’à ce que je sois en âge d’aller à l’école. Ensuite, il m’a envoyé en pension à Montpellier et je ne revenais qu’aux vacances scolaires. Quand Babette est née, on me faisait passer pour le petit cousin. Cette mascarade a duré pendant des années et continue à durer, mais c’est une autre histoire. En revanche, j’ai suivi ce que vous avez fait avec Rives et je suis enthousiaste.

— Vous êtes naturiste aussi ?

— Oui, j’ai découvert le naturisme au Domaine de Laborderie avec une amie et depuis, je suis un véritable aficionado, même si je n’en avais jamais parlé à Babette. Mais j’ai cru comprendre qu’elle s’y était mise.

Le train s’ébranla et la conversation s’ébranla. Guillaume partagea avec Anne le projet des zones naturistes, sa propre histoire et écouta Guillaume parler de sa propre découverte du naturisme, de la randonue, dont il était devenu un fervent adepte et de ces dernières années bercées par le cette nudité qui lui était devenue vitale.

Les trois heures du TGV passèrent comme s’il ne s’était s’agit que de quelques minutes. Anne, Guillaume et Didier abandonnèrent Henri à Nîmes, alors que lui continuait jusqu’à Montpellier. Ils se mirent cependant d’accord pour se voir avec Babette un de ces prochains week-ends.

— Tu savais que Babette avait un demi-frère toi Didier, demanda Guillaume ?

— Jamais entendu parlé. Il faudra quand même lui demander. On ne sait jamais de nos jours avec tous ces détraqués.

— Il n’avait pas l’air détraqué et puis il en connaissait un rayon sur Émile et Babette. Mais oui, on lui demandera. D’ailleurs, elle vient déjeuner avec Fabienne dimanche prochain. J’espère qu’on aura beau temps.

En avril ne te découvre pas d’un fil, dit le dicton. En début de ce mois d’avril, la météo lui donna raison. Le mistral balayait tout sous un ciel de plomb. On se serait cru au mois de novembre. Guillaume releva son col et serra Anne contre lui, alors qu’ils se dirigeaient vers le parking sur lequel Didier avait garé sa Zoé. Ils s’engouffrèrent dans la voiture sans demander leur reste, alors que Didier enlevait la prise de la borne de recharge.

— En tout cas, ce n’est pas aujourd’hui qu’on va pouvoir profiter de la zone naturiste. On a vraiment eu de la chance il y a quinze jours. On aurait pu avoir ce temps-là, dit Guillaume.

— La chance sourit aux audacieux, dit Anne en posant sa main sur la joue de son mari et en posant ses lèvres sur les siennes.

— La chance se provoque, répondit-il. Il n’empêche qu’on en a eu un peu.

— Beaucoup, et pourvu que ça dure, releva Didier en appuyant sur le bouton Start.

La voiture électrique s’élança sur la route, vers Rives et son futur naturiste.

À suivre…

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