Le téléphone de la maison sonna. Matthieu le fils d’Anne et Guillaume déboula de sa chambre pour décrocher le combiné.
— Allo ?
— Bonjour. Je cherche à joindre monsieur Pétrie.
— Je vais le chercher.
— Merci.
Matthieu partir en courant en hurlant « Papa ! » Guillaume était dans la cour, entrain de bricoler sur le tracteur. Il releva la tête en voyant son fils arriver en courant.
— C’est pour toi, dit-il en tendant le téléphone à son père. Une dame.
Guillaume s’essuya les mains au chiffon qu’il avait posé sur la boite à outils et attrapa le combiné.
— Allo ?
— Monsieur Pétrie ?
— Oui ?!
— Bonjour monsieur Pétrie, c’est Mélanie Bonnieux, la présidente de la Fédération Française de Naturisme. Vous avez quelques minutes ? J’espère que je ne vous dérange pas.
— Euh, bonjour. Non, enfin oui, vous ne me dérangez pas, enfin non, j’ai un peu de temps, bégaya, surpris Guillaume. Je suis désolé, j’étais en train de bricoler, mais oui, oui, je vous écoute.
— Super. C’est votre femme qui m’a appelé hier et qui m’a conseillé de vous rappeler ce matin.
— Ah, d’accord. Elle ne m’a rien dit, mais ce n’est pas grave,
— J’espère que je ne fais rien de mal, demand Mélanie, soudain un peu mal à l’aise.
— Non, non. Anne prend des initiatives dont elle n’a pas toujours le temps de m’informer. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
— Eh bien, votre femme m’a annoncé votre élection à la mairie de votre village, toutes nos félicitations. Ce n’est pas tous les jours que nous avons un de nos membres qui est élu maire. Alors j’en profite pour vous féliciter. Le responsable de la communication vous appellera sans doute pour faire un article pour notre blog si ça vous dit.
— Merci, c’est très gentil.
— Mais, je ne vous appelle pas que pour cela. En fait, votre femme m’a fait part de votre projet de transformer votre village en village entièrement naturiste.
— Oui, mais ce n’est qu’un projet, la coupa Guillaume. Rien n’a été défini. Je ne suis pas même sûr que ce soit une bonne idée.
— Ce n’est pas une bonne idée monsieur le Maire, c’est une idée incroyable, géniale, je n’ai pas assez d’adjectif pour vous faire part de mon enthousiasme.
— Mer.. merci, vous le pensez vraiment ?
— Oui, tout à fait. En fait, je vous appelais pour vous proposer de venir vous rencontrer avec un ou deux membres du bureau exécutif pour en parler et voir comment nous pouvons vous aider à faire de votre projet une réalité.
— Ah! Guillaume ne savait pas quoi dire.
— Votre femme m’a dit qu’un de vos gites était disponible ce week-end, donc si vous êtes d’accord, la fédération vous le louera pour le week-end et nous aurons tout le temps de parler de votre projet.
— Eh bien, avec plaisir. Je vois que vous avez tout prévu. Merci.
— Oh, ce n’est pas moi qu’il faut remercier, c’est votre épouse. Donc j’en conclue que vous êtes d’accord pour qu’on se voit ce week-end.
— Eh bien, oui, d’accord, on se voit ce week-end. Merci madame.
— Appelez-moi Mélanie et puis on se tutoies si ça vous va. Entre naturistes, nous partageons les mêmes valeurs.
— D’accord… Mélanie. Appelez-moi, euh appelle-moi Guillaume alors.
— D’accord Guillaume. À samedi. Je vois avec les horaires de train et je vous… te tiens au courant. Pas facile de se tutoyer au téléphone. Ce sera mieux samedi.
— Sans doute, Mélanie. À samedi.
Guillaume raccrocha, incrédule. Matthieu était parti. Il se dirigea vers la maison, à la recherche d’Anne. Il glissa le combiné dans une des nombreuses poches de son bleu. Il trouva Anne au bureau, concentrée sur des avis d’impôts fonciers.
— Anne, tu sais qui vient de m’appeler ?
— Tiens Guillaume. Je ne sais pas, qui ?
— La présidente de la FFN.
— Ah oui, je l’ai appelée hier.
— Tu la connais ?
— Mais oui. Souviens-toi. J’étais allé avec Mireille à l’assemblée générale l’an passé pour discuter d’activités de recrutement de femmes. On avait passé un bon moment avec… Mélanie, c’est ça ?
— Oui, Mélanie Bonnieux, je crois.
— Tu as raison. Donc, hier, je me suis dit que ça lui ferait plaisir de savoir que Rives avait un maire naturiste, encarté à la fédé, et en plus avec un projet naturiste en béton. Elle semblait enthousiaste. Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
— Et bien, elle débarque ce week-end pour nous voir et discuter du support que la FFN peut apporter au projet de village naturiste.
— C’est génial ! Tu vois, quand je te disais qu’on était tous avec toi.
— C’est sûr, c’est chouette, mais pas gagné pour autant.
— Guillaume, est-ce qu’on peut se mettre d’accord sur une chose, s’il te plait, dit Anne en regardant fixement son mari dans les yeux ?
— Quoi, demanda-t-il avec incrédulité ?
— Je sais, tu sais, nous savons tous que ce n’est pas gagné. Rien n’est jamais gagné dans la vie. Pas plus cette décision de faire de Rives un village naturiste que celle que nous avons prise quand nous avons fait construire les gites. Il ne sert à rien de se complaire à répéter que ce n’est pas gagné.
— Je ne me complais pas, la coupa Guillaume. Je dis juste que cela ne va pas être une partie de plaisir.
— Oh Guillaume, on le sait ça. Tu n’as que deux possibilités : ou tu y vas avec l’envie de te battre pour gagner, ou tu laisses tomber. Dans les deux cas, ne passe pas ta vie à répéter que ce n’est pas gagné. C’est tout ce que je te demande.
— C’est bon, j’ai compris. On y va et on va gagner. C’est ça que tu veux.
Anne se leva et passa ses bras autour du cou de son mari. Un observateur extérieur aurait sans doute trouvée la scène cocasse : Anne nue accrochée à Guillaume en bleu de travail. La porte ouverte à tout plein d’interprétations. Pourtant, c’était le quotidien d’une famille naturiste pour laquelle la nudité n’est qu’une option d’habillement parmi toutes les autres. Pour les Pétrie, comme pour beaucoup de naturistes, les vêtements ont une utilité protectrice et la nudité est l’option confortable quand les vêtements ne sont pas requis. Simple et plein de bon sens !
— Mon petit mari chéri, dit-elle. Tu me fais parfois tourner en bourrique, tu sais.
Guillaume referma ses bras autour d’Anne. Cette dernière continua.
— Tu vas le faire ce village naturiste et il va être beau. Il va être le reflet du futur de l’humanité, plein de respect, d’altruisme et de compassion. Il va être le modèle du futur. Je sais que tu vas y arriver.
Elle posa ses lèvres sur celle de Guillaume qui répondit à son baiser.
— Maintenant, tu vas finir de bricoler ce tracteur et moi je finis de vérifier ces déclarations d’impôts. Si tu veux, on prépare la visite de Mélanie en fin de journée ?
— Bien madame, j’y retourne.
Guillaume repartit par où il était arrivé et s’arrêta sur le seuil de la porte. Il se retourna et dit merci à Anne en lui faisant un clin d’oeil.
Le train entra en gare à l’heure dite. Guillaume reconnu Mélanie de loin. Il faut dire que la nouvelle présidente de la FFN faisait tout pour promouvoir le naturisme et surtout y faire venir plus de femmes, de jeunes et de familles. Il fallait rajeunir la population naturiste et répondre aux aspirations écologiques et sociales de la nouvelle génération.
Elle était accompagné de Gilles, le vice-président en charge de la communication. Le soleil brillait. Le week-end s’annonçait magnifique. Guillaume sourit à Mélanie et Gilles.
— Je suis ravi de faire votre connaissance Guillaume, dit Mélanie en ne laissant pas le choix à Guillaume et en claquant deux bises sonores sur ses joues. Je vous présente Gilles, le responsable comm de la fédé. Il va nous aider à mettre au point un plan de comm en béton.
— C’est moi qui sui ravi de t’accueillir à Rives, Mélanie. Et bienvenu aussi à toi Gilles. Mélanie a suggéré qu’on se tutoie si tu n’y vois pas d’inconvénients.
— Ça me va parfaitement, répondit Gilles, un grand costaud qui dépassait d’une bonne tête Guillaume pourtant relativement grand aussi. Ravi aussi de faire ta connaissance.
— Venez, la voiture est garée au parking. C’est la première fois dans la région ?
— Non, je viens souvent à La Genèse qui n’est pas loin, et puis sur les plages naturistes de la région. Vous êtes bénis des Dieux pour le naturisme en Occitane.
— C’est vrai, répondit Guillaume.
— Et avec votre village, nous allons mettre le naturisme tout en haut de l’affiche.
Guillaume se mordit la lèvre pour ne pas dire un « c’est pas gagné ».
— Je l’espère.
— C’est certain, reprit Gilles. Je n’ai aucun doute. On bénéficie du capital sympathie du mouvement en ce moment. Il n’y a pas une semaine où ne parle pas positivement du naturisme.
Le trajet de la gare à la ferme était court, un petit quart d’heure. Guillaume conduisait doucement expliquant la région, les petits villages traversés jusqu’à Rives, la tradition viticole et la rivalité avec la famille Bonnet, à la fois notable locaux et ennemi depuis toujours des Pétrie.
Guillaume gara la voiture à l’arrière du gite. Les trois occupants descendirent de voiture et attrapèrent leur petit sac de voyage dans le coffre. Anne vint les accueillir.
— Bonjour Mélanie, je suis Anne, la femme de Guillaume. Ravie de faire votre connaissance.
Comme avec Guillaume, Mélanie ne laissa pas le choix à Anne et lui fit deux bises sonores sur les joues.
— Le plaisir est partagée, répondit Mélanie. On se tutoie, non ?
— Sans problème, répondit en souriant Anne.
— Je vois que tu es déjà en tenue. Ça ne vous dérange pas si je ne déshabille tout de suite avant de découvrir ce merveilleux endroit ?
— Pas du tout, mais viens à l’intérieur, tu pourras poser tes affaires dans le salon ou la chambre.
Mélanie suivit Anne d’un pas décidé. Guillaume précéda Gilles. En moins de deux minutes, Mélanie et Gilles étaient nus. Seul Guillaume restait en short et en t-shirt.
— Je laisse Anne faire la visite des lieux. Je ramène la voiture et vous rejoins dans cinq minutes.
Anne, Guillaume, Mélanie et Gilles étaient assis à l’ombre du parasol de la terrasse. Anne avait fait quatre cafés et ils se partageaient un cake maison tout en faisant connaissance. L’autre gite était occupé par le couple de Hollandais qui l’avait loué pour une quinzaine de jours. Ils firent un signe de la main en sortant prendre leur petit déjeuner tardif au soleil.
Les deux gites étaient légèrement décalés et offraient une relative intimité à leurs occupants. Anne et Guillaume avaient cependant voulu privilégier la convivialité. C’était la raison qui les avait poussé à avoir une piscine en commun. L’idée aussi était de pouvoir accueillir en même temps textiles et naturistes pour disséminer l’idée du naturisme. Ce qui marchait très souvent. Il n’avait eu que quelques aigris qui avaient été insatisfaits par le fait que les gites étaient ouvertement naturistes sans qu’il en soit fait mention exclusive. Mais sommes toutes, le naturisme était non seulement bien vécu, mais apprécié et recherché.
De discussion en randonue, de rencontre avec Simon et Marie en barbecue à la ferme avec quelques amis, le week-end de Mélanie et Gilles se passa à merveille et ils repartirent avec un plan solide.
Guillaume se coucha à côté d’Anne qui lisait.
— Merci Anne.
— De rien, mon chéri. On a passé un bon week-end, non ?
— Fatigant et excellent. Et tu sais quoi ?
— Quoi ?
— J’en suis certain maintenant, on va gagner.
Anne se tourna vers son mari et l’embrassa tendrement sur les lèvres.
— Oui, on va gagner.
C’est avec grand plaisir que je découvre chaque matin la suite des aventures de Guillaume et Anne. bien des égards, ton récit a des points communs avec mon propre roman « les gymnosophes ». Si tu le souhaites, je pourrais t’en envoyer une version en PDF. Il te suffit de m’en faire la demande jean.paul.brohee@gmail.com et de m’envoyer ton adresse mail. Salutations naturistes, Jean Paul.